Cimetière Lalla Khroufa (Sidi Ali El Hatab)
Situation
Le cimetière se trouve à l’entrée sud de la ville d’Annaba, plus précisément à 200 mètres du rond-point de Sidi Brahim. Il porte le nom de « Lalla Khroufa », une dame derviche qui vécut pendant l’occupation française. Ses descendants habitent d’ailleurs encore le quartier.
Mais le cimetière ne s’est pas toujours appelé ainsi. Auparavant, il portait le nom de « Cimetière Sidi Ali El Hatab », comme en témoignent les documents d’archives. Ce personnage est cité dans un manuscrit du 18e siècle (Edoura el Maçouna) (1)
بسيدي عليّ الحطّاب و بِابْن ثابت أدم صوابي
Aujourd’hui, un quartier et un marché du centre-ville portent son nom : le quartier El Hattab et le marché El Hattab.
En 1932 le peintre F. Bouton immortalise ce vieux cimetière dans un tableau nommé Le vieux cimetière de Sidi Ali El Hatab
Historique
Dans ce cimetière d’époque ottomane reposent les martyrs de Bouna et compagnons de Sidi Brahim (Cheikh Brahim Ben Toumi) dans sa lutte contre les envahisseurs, les croisés. Parmi eux, on peut citer :
- Sidi Ediwani, surnommé « le lion de la plaine »
- Sidi Chouach
- Sidi El Garmi
- Sidi El Foughali.
Découverte archéologiques au cimetière :
Le génie militaire français a effectué plusieurs fouilles dans ce cimetière proche d’Hippone. On ignore les raisons qui ont déclenché ces fouilles, mais plusieurs pièces archéologiques ont été découvertes en 1839.
Parmi elles, il y a d’importantes mosaïques romaines :
1- La première mosaïque d’un mètre de diamètre, envoyée par le curé de Bône à l’évêque d’Alger Mgr Dupuch pour décorer une chapelle dans son palais épiscopal, puis transportée à la cathédrale Saint André à Bordeaux. (2)
2- La deuxième mosaïque découverte au cimetière Lalla Khroufa fut offerte en 1842 à la Basilique San Pietro in Ciel d’Oro, à Pavie au nord de l’Italie. Elle a été placée au sol, derrière le tombeau de Saint-Augustin. La mosaïque représente un « nœud de Salomon », symbole de l’union et de la communion entre le ciel et la terre. (3)
3- La troisième mosaïque découverte au cimetière Lalla Khroufa est une belle rosace. Elle fut transportée à Alger en 1842 pour décorer le chœur de l’église Saint-Augustin. Cette église est l’actuelle mosquée Abdelhamid Ibn Badis, située rue Abane Ramdane. On ignore encore si elle a été transportée ailleurs lors de la reconversion du bâtiment.
Certains archéologues ont cru infondée la supposition d’une découverte d’un sanctuaire chrétien comme le prétend le curé de Bône, information rapportée par Alexandre Papier dans ses lettres mais démentie par l’archéologue Stéphane Gsell.
» Il y avait quelques ruines au delà du pont d’Hippone dans la direction de Bône. Aux marabouts de Sidi Ali el Hattab, de Lalla Khroufa et de Sidi Guermi à environ 300 mètres au N-NO du pont on a trouvé jadis des bases de colonnes en marbre et une mosaïque ornementale, mais rien ne prouve qu’il y ait eu là un sanctuaire chrétien, comme on l’a supposé ».
Alexandre Papier (4)
Stéphane Gsell (5)
« Les ruines romaines qu’on voyait encore en 1845, notamment un tronçon de voie ou de rue de 80 à 100 mètres de longueur, à 150 mètres environ de la route actuelle qui aboutit directement au pont d’Hippone de nombreux ponceaux, des pans de murs sur l’un desquels on voyait figurée, en briques rouges, l’image de la croix ; sur l’emplacement de l’ancien cimetière arabe et du marabout de Sidi Ali el-Hattab, juste en face du parc aux fourrages, de belles mosaïques qui jadis servaient sans doute de pavé à la basilique des Vingt-Martyrs et dont un fragment fut offert, en 1842, à la cathédrale de Pavie et placé devant le tombeau de saint Augustin, un second a été placé dans le chœur de la cathédrale de Bordeaux et un troisième dans le sanctuaire de l’évêque d’Alger ».
Aujourd’hui, après le pillage orchestré par les occupants français, le cimetière se trouve abandonné par la municipalité d’Annaba. Les tombes et mausolées sont vandalisés par les habitants et voisins du cimetière : extension des maisons, squattage des mausolées, démolition des tombes pour la construction de clôture, etc.
Au point que certaines tombes se trouvent même à l’intérieur des jardins des maisons…
Voici quelques photos qui actent le vandalisme du cimetière :
Riad Slimani, architecte en patrimoine
(1) كتاب: الدُرة المَصُونة في عُلماء وصُلحاء بونة. – تأليف: أحمد بن قاسم البوني – 1726م. – دراسة وتحقيق: د/سعد بوفلاقة
(2) Extrait des Lettres édifiantes et curieuses sur l’Algérie, par M. l’abbé Suchet
(3) San Pietro in Ciel d’Oro in Pavia, l’Arca di Sant’Agostino e il culto Agostiniano, prof. Alessio Varisco (Storico dell’arte)
(4) Bulletin n° 29 de l’académie d’Hippone (1896-1898), page 51, Notice sur les fouilles par Alexandre Papier
(5) D’après l’Atlas archéologique de l’Algérie, de Stéphane Gsell (p8). n°13