Le Cours d’Annaba
Présentation
Le Cours est la plus importante place d’Annaba, un véritable repère du centre ville. Les manifestations les plus importantes de l’histoire de la ville se sont déroulées sur ce lieu emblématique.
Le Cours est aussi le théâtre d’évènements culturels, artistiques (expositions) et musicaux, tels que le Festival du film méditerranéen.
Cet espace public, donnant sur le port d’Annaba, est caractérisé par la présence d’arbres plus que centenaires, des ficus, et par les galeries couvertes qui l’entourent.
Plusieurs œuvres d’art et statues ont été exposées sur cette grande place. Longtemps, le Cours constituait un véritable musée à ciel ouvert.
Historique
L’histoire du cours commence avec l’occupation française de la ville en 1832.
Avant l’arrivée des Français, c’était un terrain vague, à l’extérieur des remparts de la médina, bordé au Sud par la mer et à l’Est par Oued Karrara, formant une douve (fossé rempli d’eau) à l’Est, creusée de manière à former un obstacle contre les attaques.
En 1832, l’armée française occupe la ville et sa forteresse, les colons commencent traversent la Méditerranée pour s’installer à Annaba. La médina se trouve soudainement surpeuplée.
Pour créer davantage d’espace, les militaires français décident d’aménager les extérieurs en lieux de promenade à travers les Grevillea (=arbustes). Les colons français appelleront ce nouvel espace « les allées ». Ils traversaient ainsi la grande porte « Bab Leb’har » pour se promener après l’office du dimanche, office qui se déroulait dans une église aménagée dans une maison arabe non loin de la rue Louis-Philippe. Cette tradition perdure jusqu’en 1868 environ.
La destruction des remparts de la médina par l’armée française débute en 1860, un acte de vandalisme qui a eu un impact irréversible sur la beauté de la ville fortifiée. En 1868 est construite la nouvelle église de Bône, premier bâtiment situé à l’extérieur des remparts. Un square est également aménagé devant l’église.
Par la suite, on décide d’aménager une grande place publique : « le Cours ». C’est tout simplement l’embryon de la ville moderne qui se dessine autour de cette grande place. Il est appelé successivement « Cours National », « Cours Napoléon », puis « Cours Bertagna » en 1903 -en hommage à l’ancien maire de la ville jusqu’à l’indépendance en 1962- et enfin « Cours de la révolution » jusqu’à aujourd’hui. Mais les habitants l’appellent tout simplement « le Cours ».
En 1888, l’inauguration de l’Hôtel de ville confirme le statut du Cours en tant que place centrale de la ville. Le square de l’Hôtel de ville est la partie la plus travaillée du Cours.
Cette place publique est connue pour ces ficus elastica et c’est le maire Ferdinand Marchis qui prend la décision du remplacement des grévilleas par ces ficus entre 1903 et 1909. Des ficus aujourd’hui plus que centenaires. Le plus célèbre d’entre eux est sans nul doute le ficus miraculé situé à l’est, avec sa forme étrange : en 1942 un obus lancé par un avion nazi le percute de plein fouet. Ce ficus a limité les dégâts à des dégâts matériels (la sculpture de la Vérité notamment). Cet arbre complétement déchiqueté par l’obus à l’époque a finalement réussi à se regénérer.
Les sculptures
On peut distinguer les sculptures du Cours en deux catégories : celles de la mythologie gréco-romaine et celles des personnalités politiques françaises de l’époque.
Les sculptures de la mythologie gréco-romaine
La sculpture de la nymphe hydriade : cette sculpture en marbre représente une figure féminine avec un coquillage à la main. Il s’agit d’une nymphe marine. Dans la mythologie gréco-romaine, les nymphes étaient des divinités, des esprits de sexe féminin associés à la nature. Elles sont représentées le plus souvent sous les traits d’une jeune fille nue.
La sculpture de Diane chasseresse : cette sculpture imposante en marbre représente la déesse Diane accompagnée d’un cerf. Dans la mythologie, Diane avait le pouvoir la procréation et la naissance des enfants. Elle est très tôt devenue la déesse de la chasse dans la mythologie romaine. Une autre sculpture de Diane se trouve à Annaba dans un quartier qui porte son nom : le quartier Larzala (= la gazelle, en dialecte).
La sculpture Fortune : cette sculpture en métal représente Fortuna, déesse de la chance dans la mythologie. Elle porte un lampadaire entre ses mains.
Sculpture de la Vérité : cette sculpture est particulière et trouve ses origines dans la Rome du 17e siècle. Sculptée par Bernini, elle prend la forme d’une femme nue dévoilée, symbolisant la vérité dévoilée. Cette sculpture fut malheureusement détruite par l’impact d’un obus en 1942, ce même obus qui frappa le ficus miraculé…
Sculptures des personnalités politiques françaises
Toutes ces sculptures datent de l’occupation française.
La statue du président français Adolphe Thiers :
Réalisée en 1880 à Paris puis transportée à Annaba, cette statue est une réplique d’une autre statue située à Nancy, en France. Elle a été financée par le peintre et entrepreneur Émile Brisset, un émigré lorrain installé à Bône (Annaba) qui fuyait en 1870 la Lorraine envahie par les nazis. Cette sculpture y reste jusqu’à l’indépendance en 1962, avant de partir à Marseille sans son piédestal, resté sur place. La statue est ensuite transportée à Paris, où elle trône depuis 1967 place de la Gassotte, à Saint-Savin.
Petite anecdote : on dit que lors de son installation à Bône, la statue de Thiers ne fait pas l’objet d’un grand intérêt de la part des habitants qui ne connaissent pas le personnage. En revanche, le piédestal sur lequel elle est placée suscite leur admiration : haut de 4,80 m et d’un seul bloc, il est en pur granit vert de la carrière d’Herbillon.
Statue Jérome Bertagna :
Inaugurée en avril 1907, cette statue de bronze pèse pas moins de 2,5 tonnes et mesure 2,20 métres. Elle représente Jérôme Bertagna, ancien maire de Bône (Annaba) et bâtisseur du port.
En 1962, la statue est rapatriée par l’armée française, mise au dépôt des oeuvres d’art et attribué à la famille Bertagna. qui la transporte dans sa propriété située dans le Beaujolais. Plus tard, la famille décide de l’offrir à l’association L’Amicale des Enfants de Bône d’Aix-en-provence.
Après l’indépendance, une autre sculpture représentant plusieurs personnages voit le jour. Du genre « arts plastiques », cette œuvre d’art occupa un espace important en face du théâtre.
Toutes les statues ont aujourd’hui disparu. Le Cours reste toutefois le lieu de rencontres des artistes, poètes, intellectuels et des anciens de la ville. Jusqu’à aujourd’hui, c’est une place très prisée par les touristes pour déguster le fameux « créponné », un délicieux sorbet traditionnel au citron, ramené par les pieds noirs italiens.
Les espaces verts
Ce qui caractérise également le Cours, c’est la diversité de ses arbres. Utilisés pour effacer l’asymétrie entre la cathédrale et le cours, ils ont donné naissance à ce qu’on appelle « le petit jardin« .
Le petit jardin était composé de sept arbres : trois acacias et quatre ficus elastica (dont le ficus miraculé). Un des trois acacias a été transporté au jardin de la colonne Randon.
On y trouve aussi des mûriers, palmiers, des chamaerops, hibiscus, pittosporums.
Et ces arbres abritent un nombre important d’oiseaux : moineaux, hirondelles, tourterelles et pigeons. Ces oiseaux créent une ambiance incroyable du seul fait de leur présence, surtout au crépuscule.
Le 11 novembre 1919, à la demande de Georges Clemenceau, un chêne liège de l’Edough est planté sur le Cours. Il portera le nom d’ « arbre de la Liberté ». Sous cet arbre deux bancs de pierres sont offerts à la ville par Georges Porteli, un chasseur de panthères. Taillés dans le granit d’Herbillon -de Chétaibi- par un sculpteur Bonois, ces deux bancs massifs étaient en une commande de Porteli père pour son café, situé à la porte de la Colonne Randon. Après sa mort son fils Georges vend le café et offre les deux bancs à la ville.
Une autre curiosité du Cours : son kiosque à musique. Ouvrage métallique imposant avec une belle toiture, situé en face de l’hôtel d’orient, on y jouait de la musique ou donnait des concerts en plein air. A la fin des années 70, le kiosque à musique subira le même sort que l’église : une démolition sur décision du wali de l’époque, Ahmed Ali Ghazali (1974-1979).
Le célèbre écrivain Pierre Loti a décrit le Cours lors de son passage à l’Hôtel d’Orient en mai 1880. Il raconte :
» J’ouvre ma fenêtre et je m’appuie au balcon (…) De chaque côté de la spacieuse promenade, de correctes allées d’arbres, des alignements de belles maisons blanches avec de hauts porches aux colonnes rigide et régulières. On a vu cela partout, dans toutes les contrées du monde, la ville moderne ressemble à la ville moderne (…)
Tous ce qui touche de près ou de loin l’islam m’attire, exerce sur moi un charme, et réciproquement aussi les musulmans de tous les pays semblent m’accepter et m’accueillir autrement qu’un autre, comme si j’étais des leurs. »
Bône – Algérie, 14 mai 1880 – Pierre Loti
Pour conclure…
Aujourd’hui, le Cours aujourd’hui devrait d’être classé monument historique. Le traitement du sol mérite mieux que les carreaux de béton datant des années 70-80, à l’image du forum d’Hippone d’Annaba bâti par les romains en pierre dorée. La région d’Annaba est riche en carrière de pierres naturelles, des pierres qui méritent d’être mises à l’honneur pour valoriser notre patrimoine urbain.
Le mobilier urbain lui-aussi doit être mis en valeur. Dans les années 90, Saint-Etienne, ville française jumelle, proposa son aide pour requalifier le Cours à sa charge. Mais les élus locaux n’ont pas su profiter de cette offre grâcieuse. Dans les années 2000, l’Etat a proposé un projet de tramway traversant le milieu du Cours. Un projet qui menaçait de défigurer cette place et qui fut annulé du fait de la crise économique qui frappa le pays.
Il est important d’entretenir le Cours d’une façon continue, car c’est un lieu incontournable aussi bien pour les touristes que pour les locaux. Dans les années 80, on voyait des touristes de toute nationalités immortaliser des moments sur le Cours avec leur appareil photo…
Par Riad Slimani
Sources :
http://inventaire.poitou-charentes.fr